Journal intime d'un pyrénéiste

Journal intime d'un pyrénéiste
"l'aventure est un engagement de l'être tout entier et sait aller chercher dans les profondeurs ce qui est resté de meilleur et d'humain en nous...." Walter Bonatti

lundi 31 août 2020

GR54 J4

 GR54 J4

Vallonpierre/ Aire de refuge du Valsenestre

46kms , 2780m de dénivelés 


Alors que le Sirac , gardien majestueux dominant de ses 3441m le refuge et le pré de Vallonpierre, se réveille doucement et se couvre des premiers rayons de soleil, le randonneur solitaire que je suis s apprête à 7h à peine , à repartir pour vivre la pire matinée de son aventure alpestre.

Cette étape c est juste un copié collé absolument identique de celle de la veille : même distance, même dénivelé, même profil mêmes approximations .... tout jusqu'à la distance en stop mais à une différence près qui réside dans l accumulation de la fatigue... 


En préparant ce tour j ai voulu faire le coq comme souvent en montagne et prouver quelque chose sans trop savoir où j allais. 

Le GR se fait en 8 ou 10 jours? Fichtre j en mettrai moins de 5...

Des étapes de 25kms? Pour les 33 et les 40, moi je bosse en montagne je me ferai un marathon par jour minimum. 

Le dénivelé ? Les enchères commencent à 2000m par jour, avant c est l entrée...

Dormir dans des refuges ? Je partirai avec ma tente et garderai mon autonomie et ma fierté. 


Ce côté provocateur je l ai toujours eu en bas comme en haut car il révèle souvent le caractère de celui qui est en face: la colère, la jalousie, l envie, les sourires, parfois le respect mais dans tous les cas il interroge. 

Là encore... Etait-ce faisable? Si oui dans quelles conditions et à quel prix?

Le GR 54 est réputé comme étant un des plus durs avec 14 cols à franchir notamment et est reconnu comme le plus sauvage. 

Alors c est sans doute pour répondre à toutes ces questions, que j'ai voulu affronter la bête...

Mais ce matin là après 15kms de descente sur La Chapelle en Valgodémar et Villar Loubiére dont 4kms de stop, en montant au refuge des Souffles, la GR a failli avoir raison de mon arrogance et du mépris que je lui fis. 


Changement radical d ambiance, on passe de l alpin au méditerranéen, la chaleur devient pesante et le pas lent est oscillatoire, seulement retenu par les bâtons qui servent tant à me hisser, qu à retenir une chute. Moi qui compte tout, je calcule chaque mètre me séparant du chalet et chaque mètre est un défi. 

En haut à 1967m je suis à bout de forces et ne touche même pas le plat de pâtes commandé. Seuls les 2 Cocas étanchent ma soif et je décide de repartir. 

Alors qu un couple demande combien de temps il faut pour rejoindre le Désert de Valjouffrey le gardien, comme pour les mettre en garde, leur répond 5h30. Moi je suis déjà reparti. Dans ma tête ça sera mon lieu de bivouac, et dans ce cas avec 2500m de dénivelés restants, la fin se fera vendredi. 

J abandonne donc, avec cette défaillance, tout espoir de boucler le GR en moins de 5j. Tant pis , c est bon pour l orgueil...

Et pourtant.. comme la veille la montée au col de la Vaurze se fait d un pas lent mais économique et la descente sur le Désert, rapide et sûre. 

À 17h, revigoré, j appelle Gaëlle pour lui dire que j attaque l ascension du col de Côte Belle pour passer la nuit à Valsenestre. Le GR en moins de 5j est à 17h mercredi officiellement acquis....

18h30 au col et 19h30 en bas où à 20h je retrouve l 'aire de bivouac communale...

L esprit libéré après une troisième énorme journée, je m endors pour ce qui sera ma dernière nuit dans les Alpes....










dimanche 30 août 2020

GR54 J3

 Vallouise / refuge de Vallonpierre

47kms, 2830m de dénivelés 


Ce matin le froid est encore de la partie, ce froid qui fige le corps et engourdi l esprit. Pourtant malgré les températures et l étape plus que marathon de la veille je dois repartir pour en faire autant. Hier soir j ai comme à mon habitude, regardé la carte pour voir à vue de nez, ce qui était faisable. La réalité c est que je n ai aucune certitude sur les distances ni les dénivelés à parcourir. Je sais juste que ce soir soit je dors près du refuge du Pré de la Chaumette, avec une étape courte qui me ferait perdre ma demie journée d avance, soit à celui de Vallonpierre qui confirmerait ma forme et me ferait grandement avancer. Je sais aussi et surtout qu avec 100kms parcourus en 2j et les plus hauts cols franchis, je me laisserais 2 derniers jours plus tranquilles.


Je commence donc la descente sur Vallouise dans l incertitude. Au village après 12kms je me ravitaille, trop d ailleurs, et chez Jackie Sport, m achète quelques vêtements chauds pour la nuit . À ces 12kms interminables s ajoute un long cheminement au bord d un ruisseau , puis le GR suit littéralement la route pendant 4kms. Là j hésite à faire du stop. Dans un contexte de record ou de perf la question ne se serait pas posée mais là je le fais pour moi et gagner 45mns me permettrait de m économiser un peu. 

À peine le pouce sorti que la première voiture s arrête. Et coïncidence ce sont des pyrénéistes d Oloron venus faire de l alpi dans les Écrins . 

Ils me déposent au terminus de la route où je continue à pied.


L objectif maintenant, alors qu il est 11h passé, est d atteindre le col de l Aup Martin à 2761m, point culminant de ce tour des Écrins. La montée est douce mais je sens de suite que je ne suis pas dans un bon jour. Peu à peu la pente se redresse et les pelouses laissent place à un schiste érodé et délité parfois glissant. Alors que la fatigue s accentue une erreur de parcours m entraine sur une pente raide et expo dont je sors encore amoindri. Enfin le col qui semble de loin infranchissable finit par m achever. Je n ai pas déjeuné ce matin et n ai rien avalé de solide depuis la veille au soir et des pâtes. Impossible alors d imaginer la suite.

Pourtant un col en appelant un autre j arrive vite au Pas de la Cavale, et attaque la descente vers le Pré de la Chaumette. Je trottine et semble avoir retrouvé de l énergie , motivé à l idée de manger un peu au refuge et de me boire 2 Cocas. Sauf qu ils n'ont que du jus de pommes, quelle déception...


Là , alors qu il est déjà 15h30 je discute avec une femme qui descend de Vallonpierre et lui parle de mon projet de continuer. Elle est partie à 9h le matin, arrive juste et juge impossible l enchaînement. Sauf qu en étudiant la carte, malgré les 3 cols à franchir, je sais qu il reste tout au plus 1200m de dénivelés à faire et qu en ayant ravitaillé je suis aussi libre de m arrêter où je veux.


Je me lance donc d un bon pas vers la col de La Valette. Le rythme est régulier, sans fatigue et j avale presque facilement les 900m. Le décor est minéral et convient à merveille aux chamois que je croise. Malgré les 2 cols à suivre il ne reste plus que 350m à faire avant 400m de descente. 

À 19h30 je suis au refuge de Vallonpierre serein concernant la suite. Le coucher de soleil entre les montagnes confirmera le fait que continuer fût la bonne décision 












samedi 29 août 2020

GR54 J2

 Besse, chalets du Riou, 53kms 3000m de dénivelés 


Il est 5h ce matin quand le froid me réveille malgré une nuit relativement basse, à 1500m.

Dans ma quête de légèreté et d optimisation du poids de mon sac j ai voulu être jusqu'au bouliste en prenant un duvet light de 800 grammes avec une température de confort à 10°, le tout sans me renseigner sur les conditions que l on rencontre dans les Alpes fin Août . Cette erreur je la paierai au prix de 4 nuits glaciales ...

Ce matin donc à 6h j attaque sans me poser de question. Pas envie de sortir le réchaud, je gobbe 2 morceaux de pain volés la veille et m élance pour ce qui sera ma plus longue marche à la journée en 17 ans de montagne...


Pas grand chose à dire sur le début de l étape, un bon belvédère au Chazalet direct dans le vide et puis... le col d Arsine...

On peut dire ce qu on veut , aussi belles soient nos Pyrénées il est des choses qu elles n auront jamais... un lac alimenté par un glacier, aux eaux turquoises par exemple. Quelle claque. A droite les glaciers et devant moi une rivière à la couleur quasi unique. Tout ce que je suis venu chercher est là, juste devant moi. Et je reste scotché , autant surpris qu ébahis...

Et pourtant je dois avancer. Vers 13h je suis au refuge de l Alpe, bien touché par 30kms et en discutant avec le gardien il m indique le prochain village, le Casset à 3h et Vallouise à 7h...

Revigoré je repars et atteins effectivement le village en 3h. Plus motivé que jamais malgré l heure avancée je decide de rejoindre Vallouise ce qui me ferait gagner une journée entière sur le planning. Sauf que ça n est pas à 4h même pour un bon marcheur... La montée dans les bois après le Monêtier est une épreuve et le col de l'Eychauda une souffrance. En regardant la carte et alors que Vallouise est à plus de 15kms, je comprends que je n y arriverai pas. Sur la montée j ai discuté avec un randonneur qui m a indiqué une bonne zone de bivouac non loin de chalets, vers 1750m .

Une tente s'y trouve déjà , je plante la mienne à côté et commence à discuter avec mon voisin, Sylvain , un sympathique journaliste de la Voix du Nord, une des très belles rencontres du cette aventure. 22h dodo , 53kms aujourd'hui et je maintiens ma demie journée d avance sur le planning. 

Demain j ai encore prévu une bavante mais aurais-je les jambes?....








vendredi 28 août 2020

GR 54 J1 Bourg d Oisans/Besse

 


A mon arrivée à 14h je décide de m'avancer . J avais à la base prévu 5j de marche de lundi à vendredi mais vue l heure il est encore temps de marcher et commencer à se familiariser avec ce GR, son sac et la marche en solo.
Très vite en sortant du village je me perds en voulant suivre Iphigenie et non le balisage. Très vite je découvre les limites des cartes, de l informatique et très vite je décide dès les premiers kilomètres de privilégier le marquage au numérique . Première montée rapide puis les remontées mécaniques. Et oui les Alpes sont aussi une terre de ski. Pourtant en montant au milieu de cette laideur je lis cette phrase sur une plaque
" LA VICTOIRE APPARTIENT À CEUX QUI L 'ONT CONQUISE".
Dans l épreuve elle sera ma source de motivation.

Col de Sarenne et là première claque. À droite les glaciers se dévoilent comme les hauts sommets
Après 17kms de randonnée insipide le contraste est saisissant, le spectacle peut commencer....
J'avance encore dans un décor minéral et me retrouve à Besse pour manger. Peu après je suis au Gay le site de camping municipal. Le moral est bon, j ai déjà fait 24kms et 1750m de dénivelés, c est toujours ça de pris...Une douche, la seule du trip, et dodo vers 22h pour une nuit qui sera très, très fraîche....





jeudi 27 août 2020

GR54 en solitaire et en 4.5j. Préambule

 Il est 20h30 et j attends en gare de Grenoble un bus de nuit qui doit me ramener à Tarbes demain matin. Mes jambes encore vivaces ne laissent transparaître l aventure qu elles ont vécue qu à travers le contraste entre bronzage et peau protégée et les rares stigmates ne reflètent en rien l intensité des 5 dernières journées. Et pourtant que ce fût beau et fort....


Pourquoi le GR54? Et pourquoi pas? Pourquoi en moins de 5j? Parce que je peux....

Rien n était prévu, prémédité et le périple n en est que plus beau....

2j jour chez ma belle-mère dans le sud-est et encore une semaine de vacances à tuer... les Alpes pas loin, un parcours en boucle , dont les caractéristiques semblent coller au GR 20 déjà fait en 5j. 180kms, 12.000m de dénivelés et si j essayais? Et pourtant jusqu'au bout j ai voulu renoncer. Malgré mon expérience les doutes s'accumulaient mais finalement Gaëlle a gagné, le projet était lancé. 


Dimanche blablabus depuis Avignon et premier contretemps je ne suis pas inscrit. Le chauffeur me laisse finalement monter et me voilà à Grenoble. J essaye de ne pas prendre ça comme un mauvais présage mais mes doutes déjà importants, s exacerbent encore plus . Pourtant à 14h un second car me dépose à Bourg d Oisans mon point de départ. De quoi sera fait la suite? Je n en sais encore rien. Dans mes prévisions les plus optimistes je finis vendredi matin, dans le pire des cas j abandonne, ce qui pourtant sur un trip ne m est jamais arrivé. Mais là je suis seul, en terrain inconnu. Alors que me réservent les 5 prochaines journées ? En m 'élançant je ne le sais pas mais je découvrirai qu il existe un mieux au meilleur , un au-delà sublime, un plus intense à la souffrance... Et cette solitude qui me faisait peur , sera ma force dans la flexibilité des étapes , la rudesse de l effort et la prise de décision unilatérale et donc personnelle .


mardi 18 août 2020

Soulac sur mer

 J3 Soulac sur mer 

Après avoir fait la route hier où par un détour à Carnac nous avons pu admirer le génie architectural d Obélix,  puis la houle garonnaise à la faveur d une traversée en ferry,  nous atterissons à Soulac sur mer, une bourgade côtière comme il s en fait tant le long du littoral. 

Départ pour une rando ce matin entre bunkers et GR8 histoire de ne pas perdre la main, jusqu'à la pointe de la Grave au Verdon .


Au final 21kms encore avant de prendre la route pour rentrer à la maison...














jeudi 13 août 2020

Gr 34 Camaret Crozon

 GR34 j2 Camaret- Crozon, 44kms, 1150m de dénivelé


Le Bretagne ça vous gagne


Alors celle là je ne m y attendais pas.... Quelle baffe....

Ce  matin  je pars seul à 7h30 du camping,  direction le pointe du Grand Gouin au Nord de Camaret.  Il pleut encore comme hier, mais comme hier l averse matinale ne durera pas. Très vite je trouve à  ma grande surprise , les premières fortifications,  puis rejoins le sémaphore à l extrême Ouest de la presqu'île. 


Peu après le sentier chemine sur des falaises qui plongent dans l eau verticalement et le jeu de l érosion  finit d embellir les rochers saillants.  Un paradis de géologue que je sais apprécier....

Le mémorial militaire et son cimetière d ancres,  puis une immense croix viennent rappeler que le Front côtier  a  souvent subit les assauts des mers mais aussi des conquérants étrangers...

 Aux falaises succèdent des dunes pénibles à gérer,  mais qui sont  le paradis des surfeurs et au bout de 30kms j arrive enfin au Cap de la chèvre où me rejoint Gaëlle pour dîner. 


Je ne le sais pas encore mais le plus beau reste à voir.

10mns après le Cap de la chèvre le paysage change radicalement.  Ce sont des pinèdes avec en bas des eaux turquoises,  à  l image de la côte Dalmate en Croatie.

Les cartes postales se succèdent comme les montées,  je suis au paradis. Gaëlle m intercepte plusieurs fois avant de se retrouver au café à Morgat pour une pause bien méritée. 

Encore quelques kms qui seront les derniers du GR, pour retrouver la pointe du menhir à Crozon. 


Après 2 bonnes journées et alors que ma mie ne peut  plus marcher,  il est temps de rejoindre un dernier camping à Telgruc avant de décoller demain.

Mais que ce fut beau....






















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