Journal intime d'un pyrénéiste

Journal intime d'un pyrénéiste
"l'aventure est un engagement de l'être tout entier et sait aller chercher dans les profondeurs ce qui est resté de meilleur et d'humain en nous...." Walter Bonatti

samedi 14 janvier 2012

Tour du Pic de Soum Couy , la glissade où quand la vie ne tient qu'à un piolet

Partis pour daire le Pic d'Anie avec Jean-Michel et Richard, malgré des conditions peu favorables et des chutes cette semaine y compris dans le secteur, on attaque du refuge de Labérouat à 7H15.

D'entrée la neige recouvre le GR10 et elle est très dure mais bon ça passe quand même. Vers 8H45 sans souci donc on arrive à la cabane du Cap de la Baitch pour cramponner. Là l'itinéraire file sur la gauche. Très vite on remarque que nos crampons ne seront pas inutiles. Pire, que de la neige dure dès le premier ressaut c'est quasiment de la glace, une neige vitrée, fondue par la pluie puis glacée par les basses températures. Même les crampons ont du mal à mordre quant aux piolets la pointe ne s'enfonce quasiment pas. Mais on évolue prudement. Un ressaut puis deux...

Vers 2050M sous le col des Anies on décide de ne pas faire le pic car trop dangereux. En effet jeudi encore un espagnol a glissé sur 30m dans le secteur alors qu'il avait cramponné. Pour lui plus de peur que de mal heureusement.

Du col donc on remarque le Pic de Soum Couy qui se prend versant Nord et on décide d'y aller faire un saut. Des traces remontent du Col vers le versant Nord en contournant le pic . On les suit avant de faire une première fois demi-tour sur un dévers verglacé et expo. En effet la neige ne s'est pas transformée et c'est quasiment de la glace bleue par endroits. Dangereux tout ça même sur des pentes faibles. On revient donc en arrière pour récupérer la HRP avant de se diriger en direction du télésiège des LAGOPEDES d'où on rejoint ensuite le Pic du Soum de Couy enfin en théorie en piquant plein Nord. Les premières pentes sont moyennes sur une neige toujours très dure. Moi mes crampons ont du mal à mordre ce qui n'est pas pour me rassurer. Vers 2100M avant le télésiège on se dirige alors vers le pic, direction Sud, il est 11H55 l'heure où pour moi tout a faillit s'arrêter.

On prend pied sur des pentes moyennes, 15-20% maxi quand je sens que je vais glisser. Juste le temps de le dire " Là je vais glisser !!!" et en 2 secondes je pars. Je crois que je n'ai pas réalisé de suite ce qu'il m'arrivait, j'ai crié "venez m'aider" enfin je crois et j'ai fusé. La seule chose à laquelle j'ai pensé c'est que tout ce que j'avais lu avant, tout ce qu'on m'avait raconté, les anectodes mordides, les expériences "ante mortem", les articles de journaux, tout ça, était en train de m'arriver A MOI. Je ne me suis pas retourné de suite pour cramponner malgré ma prise de vitesse. J'ai vu de la neige plus molle j'ai cru que je m'arrêterai, mais non j'ai fusé encore. Là en repensant aux autres peut-être ou sans penser sans doute, j'ai eu le reflexe QUI M'A SAUVE la vie. Je me suis retourné sur le coté et j'ai planté mon piolet. Un Black Diamond tout neuf qui aura mis presque deux mètres pour stopper ma chute tant j'avais pris de vitesse. Le deuxième piolet droit que j'avais est allé s'arrêter un peu plus loin mais l'inertie d'un bout d'alu n'étant pas la même que celle d'un corps de 60 voire 65kgs avec le poids, pas sur que sur de la glace je me serai arrêté moi aussi.*


Là j'ai crié encore "venez me chercher , je vais lacher" et Richard est arrivé en me disant de planter les pieds. J'ai alors repensé à la fragilité de la vie et à tout ce que, à 32 ans, il me restait à faire et à quoi je tenais. Là, comme une évidence ,m'est apparue Trotinette à qui je n'avais cessé de penser depuis un mois, jour et nuit . Je n'ai pas pensé aux autres, mon père ma soeur mes amis, juste à elle comme une évidence, celle de notre rencontre. Et puis on est repartis.
Au final une chute d'au moins 25m dixit Jean-Michel quand on sait que normalement vu la vitesse sur de la glace on ne s'arrête pas après 15M.


Mais comme un noyé qu'on rejette à l'eau, j'ai dû de remettre sur des pentes glacées pour sortir de ce pas. Non loin la piste de La Pierre St Martin que l'on a rejoint avec une neige travaillée. Bizarrement l'humeur s'est détendue comme si j'avais besoin de ça pour évacuer, et Jean-Michel que j'avais toujours vouvoyé, je l'ai tutoyé.

On est redescendu donc pour retrouver le GR10 et passer, après quelques hors-pistes, le Pas de L'Osque. Là on a mangé un peu après la main courante qui y mène puis nous sommes repartis vers le pas d'Azuns. Enfin sous le pas peu avant de rejoindre la cabane, une neige légèrement tranformée, puis le retour à la voiture vers 16h après une journée très riche en émotions.

Je ne sais pas ce qu'il en restera, la beauté des paysages ou la glissade presque fatale. Mais je sais aujourd'hui que ça n'arrive pas qu'aux autres, que le danger est partout et qu'il faut savoir faire demi-tour ou se dérouter, même contre l'avis de la majorité. Au chapitre des erreurs, personnelles cette fois, des crampons mal affutés et une mauvaise technique de marche sur glace aussi.
Une expérience sans conséquence, pour moi pleine d'apprentissage et riche, je n'aimais pas la neige, je sais aujourd'hui qu'elle peut tuer même sans faute

Le 16/1: je me rends compte après coup des erreurs personnelles, un mauvais matériel, pas fait pour ces conditions là, une "non technique" de marche sur glace, indispensable samedi, une appréhension qui a conduit à l'hésitation et à la chute .

Je sais aujourd'hui comme il est dur d'être un leader, un bon premier de cordée. Faire demi-tour aurait été peut-être plus dangereux que de continuer, la preuve en est, ce blessé grave sous le col d'Anie hier encore. Savoir prendre des décisions pour tous en sachant la responsabilité que l'on porte, c'est dur, trop pour moi encore. Je n'en veut donc après coup à personne, des accidents arrivent c'est la montagne

PS: Martos et Xavier je ne peux pas vous répondre...

7 commentaires:

  1. Beau compte rendu. Content que ça se soit bien terminé pour toi et les autres. C'est vrai que parfois la vie ne tient pas à grand chose et on a parfois tendance à l'oublier

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  2. content qui tu aies eu un bon réflexe, la montagne est belle mais cruelle.
    A bientôt

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  3. alors ca y est tu es un vrai alpiniste maintenant lol

    Super chouette les couleurs des 2 photos en tout cas

    a Bientot sur les pentes

    Leito

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Salut Olivier
    Si un alpiniste c'est un gars qui sait glisser oui je suis UN VRAI ALPINISTE!!!!!!!!!!!! Sinon je suis juste un looser qui s'est vautré sur du 10%!!!!!! Merci pour les photos et à bientot là je vais finir d'affuter mes crampons!!! A+

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  6. Aaaaahhhh... une évidence.... quelquefois, les évidences peuvent sauver des vies. Ravie d'avoir été cette évidence qui a pu sauver la tienne, de vie...

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  7. Ah oui trotinette depuis 3 mois tu es MON évidence... A bientot et merci aussi pour la soirée et la nuit partagée ensuite

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