29/8
Pradi/
Paliri
D+ :
2700m
D- :
2950m
Quelques
chiffres pour cette étape, qui au regard du parcours déjà
effectué, peuvent donner le vertige.
48
kms, 4 étapes en un jour, 15h40 d'efforts, 2700m de D+ avec 10kgs
sur le dos... et pourtant on l'a fait, comme un défi personnel …
Départ
à 4h20 direction Usciolu. C'est de la crête et sur notre gauche un
joli lever de soleil sur la mer nous redonne le moral. Tout est long
dans cette étape plus que marathon, et déjà cette première partie
de 14kms... Crête sans forcément beaucoup d'intérêt , on passe à
la base de la Punta de Capella, et la rencontre avec un sanglier est
à peu près la seule chose qui nous donne le sourire. Je ne garderai
pas forcément trop de souvenirs de cette partie là, pour nous juste
une transition vers la suite, si ça n'est au refuge , au bout de
4h15 de marche un gardien incrédule qui , quand on lui a dit qu'on
arrivait de Pradi, ne nous a pas cru. J'ai du lui montrer mon alti
avec les enregistrements des altitudes pour qu'il devienne un peu
moins sceptique, et encore.
Mais
moi je sais que le gros morceau est à suivre avec cette étape
Usciolu/ Aussinau qui pour moi est la véritable partie clé de cette
fin de GR. Si on la sort dans des bons temps on n'aura pas de
problèmes pour la suite. Si on craque ou qu'on se trompe
d'itinéraire pas sûr qu'on puisse en suivant rejoindre Conca puis
Ajaccio à temps. Un autre gardien nous indique donc la variante
alpine permettant de gagner 1h30 par rapport au GR classique. L'étape
de base Usciolu/ Aussinau fait quasiment 10h pour des marcheurs
classiques et par la variante pour des bons marcheurs c'est 6h30
sachant qu'il faudra ensuite encore enchainer. Dans ma tête le choix
est clair, pour finir il faut passer par la variante alpine et les
crêtes. Dans celle de Marc aussi, il ne veut pas se perdre et
passera par le GR classique. Sentant dès le départ cette différence
et rongé par l'enjeu , on s'éloigne peu à peu. Avec ou sans lui,
si je dois finir et POUR FINIR ça ne se fera que par les crêtes. Je
file donc devant à mon habitude mais cette fois en me retournant
moins. On est sur les crêtes et jusqu'à la descente sur la bocca di
l'Agnone la tension entre nous est à son comble.
Une
discussion musclée et virile démarre. Avec ou sans lui je prends la
variante. J'ai ce qu'il faut dans les pattes pour m'enquiller seul la
fin , j'ai le pied et la force. Lui campe aussi sur ses positions
alors je lui demande de me donner mon billet d'avion de retour... il
n'y a pas le choix si on veut finir c'est par la variante. Après
s'être calmés un peu on arrive au col et là Marc remarque que
c'est très bien balisé . La seule variante alpine qu'on a eu à
prendre nous a fait gagner une heure et je ne vois pas pourquoi il en
serait autrement là. La variante balisée d'un double trait jaune ,
est en fait l'ancien GR . Rien d'alpin donc et Marc se laisse tenter.
Je me suis engagé à tout faire devant dans cette étape et
continue à donner le pas. Le sentier est roulant et très agréable
et on ne regrettera jamais notre choix. Vers midi, le ventre vide,
j'accuse le coup et la salade laissée par Dorian l'avant veille,
sauvera la fin du GR et nous épargnera d'une fringale. De beaux
vallons se succèdent à grande vitesse ensuite et cette étape que
je craignais tant, passera presque « trop bien ».On monte
au Monte Alcudina avant la descente rapide sur Aussinau . Une étape
bouclée là encore en 5h15. A 14h à peine on est au refuge et on a
véritablement pas trainés... le sourire est là, l'ambiance se
réchauffe et on commence même à s'imaginer finir à Paliri le
soir, ce que dans mes rêves les plus fous, je n'avais jamais
envisagé.
Pause
avant de filer. Il existe là aussi une variante alpine qui passe
dans les aiguilles de Bavella. Cette fois Marc est le premier à
proposer qu'on la suive . Descente vers un ruisseau puis remontée
sans intérêt. Vers 1320m bifurcation des deux GR. On prend donc la
variante alpine avec une montée très sèche. On est habitués aux
pentes raides entre le Pibeste et le Pic du Jer que je remonte par
les pistes de VTT. Mais celle-là , avec l'accumulation de la journée
et des autres étapes, elle fait mal. Je prends le pas, le
montagnard, celui qui ne fatigue pas, mais la montée reste
éreintante surtout avec la chaleur.
Il
s'en suit pour moi, le plus beau passage du GR. On est véritablement
au cœur des aiguilles de Bavella qui peu à peu, une à une, se
dévoilent enfin. C'est juste sublime et je repense à l'ajaccienne
de Manganu qui nous en avait parlé, elle qui y grimpait.
Passage
un peu plus délicat avec cette chaine sur la dernière aiguille. La
fatigue cumulée pousse à une vigilance accrue et même si ça n'est
pas dur, il ne faut pas tomber. On sort le pas assez vite et après
une ultime montée on atteint une brèche. Le col de Bavella, fin de
la 3ème étape du jour, se dévoile enfin.
Vers
17h30 après une descente à appréhender avec attention , on y
arrive enfin !!! Ouf la journée est déjà gagnée !!!
Pause
panini/ravito à l'auberge pendant quasiment une heure le temps de
bien récupérer. Marc se renseigne alors sur les navettes Conca/
Ajaccio et sur le camping du dernier soir. Rares sont les endroits où
l'on a du réseau alors autant en profiter.
Vers
18h30 on repart vers Paliri . C'est un défi perso que cette montée.
On pourrait la faire le lendemain à la faiche avant de finir, mais
ces 48kms là sont une gageure en soi et le point quasi final du GR,
comme une cerise sur gâteau qui nous aura régalés jusqu'au bout.
Une montée rapide mais pas tant que ça avec l'accumulation. 150m de
D+ sur la papier qui en paraissent le triple comme le nombre d'étapes
qu'on a déjà dans les pattes. Et pourtant quelques belles
sculptures rocheuses parsèment le parcours et surtout une belle
surprise nous attend.
Sans
m'en rendre compte, je lève au mouflon, que je prends d'abord pour
une chèvre. C'est Marc qui remarquera la nature de l'animal, venu se
poser à 20m sur un bloc, pour nous observer. Par chance il n'est pas
farouche et se laisse même photographier. La deuxième fois du
séjour qu' on en voit et dans les deux massifs où ils sont
présents... Je passe ma vie au Pibeste où vivent 400 de ces bêtes
et je n'en ai jamais photographié un... Là en 5j j'en ai vu deux
fois dont un peu farouche....
Après
cette belle rencontre on finit la journée à 20h après 15h40 de
marche , au refuge de Paliri. Le coucher de soleil derrière Bavella
nous laisse présager d'un moment encore plus unique le lendemain
matin. Moi je me fumerai deux clopes ce soir là... Après cette
journée de fou qui ponctue la 15ème étape officielle sur les 16
que compte le GR, je sais qu'il ne peut plus rien nous arriver. On a
été forts aujourd'hui et bons, j'ose le dire et je savoure chaque
latte tirée avant l'émotion qui nous attend le lendemain. Une
courte nuit encore avant l'ultime étape le lendemain matin...
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