Les partenaires changent, les vallées et les sommets aussi mais il est un plaisir dont je me délecte toujours autant, celui de retrouver Jean-Michel en montagne lui qui fût, il y a plus de 12 ans , le premier à me prendre sur sa corde pour m amener sur des arêtes et de faces.
Jean-michel Letor, je vais donc te le présenter à toi que je ne connais pas, mon lecteur, mon ami, toi qui lit ceci comme peut-être d autres messages avant.
Il pourrait incarner à lui seul l image du pyrénéiste anonyme. 67 ans , rude, discret , sensible, humble, peu bavard mais dont on sait que chaque mot doit être écouté avec la plus méticuleuse oreille car il donne accès à une bibliothèque de savoirs et d expériences cumulés depuis des décennies.
Originaire de Pau il commence à grimper jeune, et s intalle vers 18 ans dans la vallée d Aure animant à Aulon des camps de jeunes en difficulté, originaire de Nantes, qu il accompagne en montagne . Il fera son apprentissage d alpiniste en parcourant la vallée, ouvrant des voies d escalade dans les secteurs de Pène Haute ou de Suberpène, grimpant au Cap d Aou, et écumant parfois en solo, les crêtes les plus effilées du Néouvielle.
Quand beaucoup se vantent de leurs exploits, JM me glissera à demi mot, presque gêné , avoir réalisé l enchaînement de tous les 3000 du Néouvielle à la journée, ou claqué " Ferbos-3 Conseillers" en 2 h sans corde chose impossible aujourd'hui. Au fil de nos nombreuses sorties ensemble un lien s est créé, solide, et qui ne se rompra jamais. Et si l on a pu s éloigner de temps en temps, pris par les aléas de la vie, l envie de se retrouver comme hier nous a toujours permis de rester en contact
En 80, au Montaigu, lors d une ascension de la Face Est en hiver un de ses amis glissera. Il en restera profondément marqué et sans doute meurtri. Encore une chose qui nous lie car j ai moi aussi perdu mon meilleur ami en montagne.
C était en 2016 , à l Aneto sur Salenque- Tempêtes. Lionel était mon confident, mon ami, mon partenaire de cordée et à chaque fois que j en parle ou que j y pense la colère monte malgré le temps qui passe. Comment le CAF a-t-il pu organiser une telle sortie, sur 3j , avec des gens inexpérimentés, sur une arête aussi longue et dont la difficulté dépasse le D? Comment des encadrants, soit disant formés et qui prônent la sécurité ont-ils pu se permettre, par ego , de conduire 10 personnes dans du terrain d av, en passant 2 nuits là haut, sans penser au danger d une telle entreprise et sans en mesurer les possibles conséquences?
L erreur est humaine certes, mais la faute non et ici un ami l a payée de sa vie.
Jean-michel qui connaissait les capacités de grimpeur de Lionel et qui l avait rencontré à la Pène det Pourri, me disait qu il avait, lui, sorti l arête en 7h30 alors pourquoi prendre 3j quand il l aurait faite à la journée ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?...
J ai changé ma pratique de la montagne mais les arêtes effilées que je fuis du regard me rappellent mon ami et les heures passées là-haut à rigoler, à étudier, à observer, à angoisser parfois ou à s interroger.
Hier encore au départ de La Mongie, la Pène Nègre et sa variante Garcia, du 5 à l ancienne, et puis les 4 Thermes et la Sabathé. Ma montagne ne sera plus jamais la même sans lui, tant pis mais merde ça fait chier quand même....
Alors hier avec Jean-michel, on a été marcher sans aucune prétention sur un terrain facile. On a aussi beaucoup parlé, de montagne, d alpinisme, de Lionel, de voies, d escalade. On a regardé les couloirs, observé les lignes de faiblesse dans les faces, imaginé des tracés. Bref on a fait de la montagne, et on s est sentis plus vivants que jamais heureux d être là et de pouvoir partager ces moments.
Contadé et puis 4 Thermes, 950m de dénivelés 4h. La vie continue, et il faut avancer même quand on trébuche...
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