Journal intime d'un pyrénéiste

Journal intime d'un pyrénéiste
"l'aventure est un engagement de l'être tout entier et sait aller chercher dans les profondeurs ce qui est resté de meilleur et d'humain en nous...." Walter Bonatti

dimanche 12 juin 2022

Contadé et 4 Thermes avec Jean-michel

 Les partenaires changent, les vallées et les sommets aussi mais il est un plaisir dont je me délecte toujours autant, celui de retrouver Jean-Michel en montagne lui qui fût,  il y a plus de 12 ans , le premier à  me prendre sur sa corde pour m amener sur des arêtes  et de faces.


Jean-michel Letor, je vais donc te le présenter à  toi que je ne connais pas,  mon lecteur, mon ami,  toi qui lit ceci comme peut-être d autres messages avant.

Il pourrait incarner à lui seul l image du pyrénéiste anonyme. 67 ans , rude, discret , sensible, humble, peu bavard mais dont on sait que chaque mot  doit être écouté avec la plus méticuleuse oreille car il donne accès à une bibliothèque de savoirs et d expériences cumulés depuis des décennies.  

Originaire de Pau il commence à grimper jeune, et s intalle vers 18 ans dans la vallée  d Aure animant à  Aulon des camps de jeunes en difficulté,  originaire de Nantes,  qu il accompagne en montagne . Il fera son apprentissage d alpiniste en parcourant la vallée,  ouvrant des voies d escalade dans les secteurs de Pène Haute ou de Suberpène, grimpant au Cap d Aou,  et écumant parfois en solo, les crêtes les plus effilées du Néouvielle. 

Quand beaucoup se vantent de leurs exploits, JM me glissera à  demi mot, presque gêné , avoir réalisé l enchaînement de tous les 3000 du Néouvielle à la journée,  ou claqué " Ferbos-3 Conseillers" en 2 h sans corde chose impossible aujourd'hui.  Au fil de nos nombreuses sorties ensemble un lien s est créé, solide, et qui ne se rompra jamais. Et si l on a pu s éloigner de temps en temps,  pris par les aléas de la vie, l envie de se retrouver comme hier nous a toujours permis de rester en contact 

En 80, au Montaigu, lors d une ascension de la Face Est en hiver un de ses amis glissera. Il en restera profondément marqué et sans doute meurtri. Encore une chose qui nous lie car j ai moi aussi perdu  mon meilleur ami en montagne. 

C était en 2016 , à  l Aneto sur Salenque- Tempêtes. Lionel était mon confident,  mon ami, mon partenaire de cordée et à  chaque fois que j en parle ou que j y pense la colère monte malgré le temps qui passe. Comment le CAF a-t-il pu organiser une telle sortie, sur 3j , avec  des gens inexpérimentés, sur une arête aussi longue et dont la difficulté dépasse le D? Comment des encadrants,  soit disant formés et qui prônent la sécurité ont-ils pu se permettre,  par ego , de conduire 10 personnes dans du terrain d av, en passant 2 nuits là haut, sans penser au danger d une telle entreprise et sans en mesurer les possibles conséquences? 

L erreur est humaine certes, mais la faute non et ici un ami l a payée de sa vie.

Jean-michel qui connaissait les capacités de grimpeur de Lionel et qui l avait rencontré à  la Pène det Pourri, me disait qu il avait, lui, sorti l arête en 7h30 alors pourquoi  prendre 3j quand il l aurait faite à  la journée ? Pourquoi, pourquoi,  pourquoi ?...

J ai  changé ma pratique de la montagne mais les arêtes effilées que je fuis du regard me rappellent mon ami et les heures passées là-haut à  rigoler, à étudier,  à  observer, à angoisser parfois ou à s interroger. 

Hier encore au départ de La Mongie, la Pène Nègre et sa variante Garcia, du 5 à  l ancienne, et puis les 4 Thermes et la Sabathé. Ma montagne ne sera plus jamais la même sans lui,  tant pis mais merde ça fait chier quand même....


Alors hier avec Jean-michel,  on a été  marcher sans aucune prétention sur un terrain facile. On a aussi beaucoup parlé,  de montagne,  d alpinisme,  de Lionel, de voies, d escalade.  On a regardé les couloirs, observé les lignes de faiblesse  dans les faces,  imaginé des tracés.  Bref on a fait de la montagne,  et on s est sentis plus vivants que jamais heureux d être là et de pouvoir partager ces moments. 

Contadé et puis 4 Thermes, 950m de dénivelés 4h.  La vie continue, et il faut avancer même quand on trébuche...




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